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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 14:33

 Les effets du « statut du psychothérapeute » sur la formation à l’analyse

 

1.Pourquoi un psychanalyste souhaiterait-il avoir le titre de psychothérapeute ?

A l'exception d'une raison purement alimentaire, pourquoi un psychanalyste souhaiterait-il avoir le titre de psychothérapeute ?

Car, selon le décret, c'est le praticien lui même qui doit demander le statut de psychothérapeute. Or, la psychanalyse n'est pas une psychothérapie. Elle a des effets psychothérapiques, dans le sens de la disparition des symptômes, mais ce n'est pas sur ce principe que se base le processus psychanalytique. En psychanalyse, le but n'est pas l'abrasion des symptômes, le but n'est pas un retour à l'état antérieur aux troubles.

 

Ceci dit, la question de la guérison, et donc celle du thérapeutique, ne sont pas étrangères à Freud et à la psychanalyse. On retrouve par exemple chez Freud, « qu'il existe beaucoup de moyens de pratiquer la psychothérapie, et tous ceux qui aboutissent à la guérison son bons ». C'est justement en vue de contrôler le facteur de la suggestion, pour aboutir à la guérison, que Freud propose une psychothérapie scientifique qui s'appellera psychanalyse.

Pour Lacan, dans le processus analytique, la « guérison vient par surcroit ». Ceci fait écho à l'idée de Freud présente dans « Théorie de la libido », où le but du traitement est de «façonner le meilleur de ce que {le patient} veut devenir en fonction de ces dispositions et de ses capacités, et de le rendre autant que possible, capable de réaliser et de jouir ». Dans cette visée, « l'élimination des symptômes de souffrance n'est pas recherchée comme but particulier, mais, à la condition d'une conduite rigoureuse de l'analyse, elle se donne pour ainsi dire comme bénéfice annexe. » Lacan clarifie les choses dans son séminaire 10 «  l'angoisse » en précisant que s'il  dit que la guérison vient par surcroit, c'est  d'un point de vue méthodologique qu'il parle.... un point de vue méthodologique suivant une éthique du sujet.

Il est donc bien certain pour Freud et Lacan que la justification des psychanalystes, comme leur devoir est d'améliorer la position du sujet.

 

Ce processus d'amélioration de la position du sujet ne peut-il pas être entendu, dans le champ psychanalytique, comme un effet thérapeutique? Pour Lacan, l'inconscient se structure comme un langage. La subjectivité, le sujet, apparaît comme une structuration langagière qui se réalise sous l' égide du désir. Cette structuration peut avoir des accidents. Ces accidents  sont alors des accidents de la réalisation du l'être. Le symptôme peut être compris à cet endroit comme le reflet d'une tentative de parer à un de ces accidents de la réalisation de l'être. L'effet psychanalytique apparaît alors comme une restructuration , par la médium qu'est la parole. Cette restructuration apporte alors un effet de  « plus de sujet », un gain dans la réalisation de l'être. Cet effet ne peut-il pas être considéré comme thérapeutique en soi? Comme une thérapie de la subjectivité?

 

 Quelqu'un qui va mal va logiquement « voir un thérapeute ». Il le fait dans l'ignorance des différentes approches, il va simplement « voir un thérapeute ». L'obtention du titre de psychothérapeute, peut, de manière pragmatique, apparaître comme une « porte d'entrée » permettant au patient en souffrance un accès vers l'analyste, vers le désir d'analyser de l'analyste. C'est à dire un accès à une offre que le psychanalyste peut donner. Et cette offre permettra ou non, de créer une demande d'analyse. Ceci selon la citation de Jacques Lacan (la direction de la cure et les principe de son pouvoir): « j'ai réussi en somme ce que dans le champ du commerce ordinaire, on voudrait pouvoir réaliser aussi aisément, avec de l'offre, j'ai créé la demande ». Et même s'il n'y a pas la réalisation d'une cure analytique, cette porte d'entrée pourra permettre aux patients en souffrance de bénéficier d'une pratique du lien élaborée depuis plus d'un siècle dont les effets ne sont plus à démontrer, et dont l'éthique est celle du sujet du désir. Ceci afin de lui permettre le minimum d'aliénation possible, le minimum d'enfermement dans un discours qui ne serait pas le sien, tout en prenant en compte les limites qui font qu'ils ne s'agit pas d'une cure; ceci pouvant se faire sous forme d'une psychothérapie psychanalytique nécessitant la présence d'un analyste.

 

2.Quelles sont les effets du « statut du psychothérapeute » sur la formation à l’analyse?

 

Pour tout cela, il faut de l'analyste. Donc un analyste qui a été formé à entendre le sujet par le médium de la parole. Le domaine en question est celui de la subjectivité.

Selon Lacan, le sujet perd son sens dans les objectivation du discours. C'est, par exemple, le risque que fait prendre les neurosciences au sujet. Que c'est-il justement passé avec le décret concernant le statut de psychothérapeute?  Dans la volonté légitime de ne pas laisser faire n'importe quoi avec quelqu'un qui souffre, il s'est mis en place une objectivation de critères de formation reposant sur un pur savoir théorique. Il y a 4 critères, correspondant à plus ou moins d'heure de formation obligatoire en fonction de la formation d'origine (les médecins sont bien lotis, les psychologues cliniciens le sont beaucoup moins!):

  -Développement, fonctionnement des processus psychique

  -critères de discernement des grandes pathologies psychiatriques

  -théorie se rapportant à la psychopathologie

  -principales approches utilisées en psychothérapie

Ces critères doivent être validés pour parvenir au titre de psychothérapeute. Il y a également un stage à faire, la durée validante étant également corrélative de la formation de base.

Il n'y a pas de supervision, pas de compagnonnage nécessaires. Il n'est pas demandé d'avoir traversé soi même l'expérience qui va ensuite être apportée au patient. Il n'est pas demandé de se repérer soi même, selon les points de repère de la théorie en question, par rapport à son propre fonctionnement psychique personnel.  Il n'y a pas de choix individuel et personnel à faire pour le candidat au titre. Il n'y a, au final, pas de cheminement personnel et subjectif.

On a objectivé la notion de psychothérapeute, et par la même, on a fait sortir la notion de subjectivité de sa nature. Il y a oubli, ou ignorance de la part des décideurs, de l'importance de la part subjective dans l'approche du psychisme humain. Dès lors, plus rien n'empêche un nouveau candidat  de l'oublier aussi.

Quelseffets cela peut avoir sur la formation à l’analyse?

Si on suit le mouvement dans la formation à l'analyse, il ne s'agit tout simplement plus d'analyse! Car son domaine est celui de la subjectivité, son éthique est celle du sujet du désir, sujet qui perd son sens dans les objectivations du discours.

Si la formation à l'analyse suit le mouvement, c'est radicalement la fin de la psychanalyse. Mais l'énormité du fourvoiement du décret semble trop grosse pour apparaître inquiétante.

 

 

 

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