(Nicolas JANEL, 06-10-20171)
Je vais reprendre ce que j’avais commencé à développer lors d’une journée clinique de la Fedepsy sur les entretiens préliminaires2. Je m’étais appuyé sur une assertion de Jean-Richard Freymann qui est celle-ci :« on peut très bien dire, au regard de l’analyse, qu’il n’y a pas de désir constitué au départ. Il y en a les germes… Mais le désir, au sens où on l’entend, se constitue dans la cure, il n’est pas déjà là3 ».
Les paramètres du désir seraient déjà là, mais il serait nécessaire que ce désir se constitue dans le transfert analytique. Le désir serait « l’effet d’une opération constituante, et non pas constituée4».
Concernant la place des entretiens préliminaires, l’analyste n’ouvrirait donc pas sur une retrouvaille de quelque chose qui aurait déjà été là, mais il ouvrirait sur une production, dans le sens d’une création. Il ne s’agirait pas pour l’analyste de procéder à une « archéologie du désir5 », mais à sa création. Il s’agirait de permettre à l’analysant de créer quelque chose à partir de la supposition que cela aurait déjà existé, alors que ça ne serait seulement que dans l’après-coup que cela existerait. Une sorte de « quelque chose » préexistant inexistant qui se créerait dans sa recherche elle-même. Un « quelque chose » qui préexisterait rétroactivement.
Si la cure inscrit son procès dans le temps, elle n’est donc pas qu’une remémoration de la chronologie réelle passée. Il se met plutôt en place une interrogation sur le rapport de l’analysant à son histoire, une sorte d’ historisation symbolique. Ce qu’on y découvre vient bouleverser les représentations classiques du temps. Freud avait commencé par établir un schéma temporel du symptôme où le refoulement d’un événement traumatique passé était la cause d’un symptôme actuel. La narration du conflit ou du traumatisme ancien permettait la levée d’un symptôme dont la gêne n’avait jamais pu être liée jusqu’alors à ce passé pourtant connu. C’est de ce constat encourageant qu’est partie la psychanalyse. Mais très vite des complications issues de la clinique ont forcé Freud à modifier ce schéma. La réalité historique du souvenir traumatique s’avérait souvent fausse , des faux souvenirs ou des souvenir-écrans apparaissaient. Avec la notion d’ « après-coup », il découvrait la postériorité de la cause sur la conséquence. Une révision de la première approche temporelle était alors à faire. Par exemple, concernant la cure de « l’homme aux loups », Freud écrit que l’apparition de scènes appartenant à la première enfance ne seraient pas la reproduction d’événements réels auxquels on aurait le droit d’attribuer de l’influence sur le cours de la vie ultérieure du patient et sur la formation des symptômes mais les produits de son imagination nés d’incitations datant du temps de sa maturité. Jean-Richard Freymann en avait déjà parlé lors de la dernière journée de formation APERTURA. « C’est à partir du temps de la maturité que va se reconstituer le temps infantile. Ce temps infantile étant utilisé à servir de représentations symboliques au désir et aux intérêts actuels du patient (...). Autrement dit, c’est en « repassant » par l’infantile que le patient aborde les problèmes du présent. Une reconstitution s’opérerait ainsi à partir du présent 6». Et Comme l’écrit Sandrine Calmettes-Jean, dans la cure, « nul ne sait de quoi le passé sera fait7». Ça ne sera que dans l’après-coup qu’on pourra dire que « quelque chose » aura été. Cette logique inverse la causalité et le temps en présentant la résurgence d’un passé dans un futur. La cure analytique se conjuguerait ainsi au futur antérieur : un temps qui ferait de l’avant quelque chose qui, d’une certaine manière, suit l’après. Cet avant serait à chercher, ce qui permettrait de créer du futur. Une sorte de « retour vers le futur » s’opèrerait ainsi dans la cure à partir d’un non savoir du patient sur ce qui lui arrive et qui le pousse à consulter.
C’est sur ce non-savoir que se joue une analyse, que se négocient son début et sa fin. Souvent à partir de l’énigme d’un symptôme, d’une réponse inconnue à une demande, à partir de quelque chose qui empêche quelqu’un de pouvoir continuer à se soutenir dans sa vie, quelque chose que Patrick Landmann8 appelle l’initium de l’analyse. C’est-à-dire quelque chose qui a fait franchir un seuil au futur analysant et qui est à l’origine de sa démarche. L’analyste doit en prendre acte. Cela se repère non dans une anamnèse de type médicale mais dans l’histoire individuelle et singulière couverte par l’amnésie et le refoulement. L’enjeu est que cela puisse se mettre en acte chez l’analysant. Contrairement au but du traitement médical ou psychothérapique, la visée n’est pas un retour à l’état antérieur. Il ne s’agit pas de vouloir tout de suite boucher ce non savoir. Comme l’écrit Jacques Lacan dans « la direction de la cure9 », il n’y a pas à répondre à la demande, sous peine de la rabattre sur le plan du besoin, ce qui reviendrait à couper l’herbe sous le pied de celui qui commence à courir. Au contraire, si on veut ouvrir vers une nouveauté désirante, il s’agit bien plutôt de marquer ce non-savoir pour le préserver, voir même de l’inciter par de l’offre qui pourra créer de la demande. L’étape des entretiens « préliminaire » préparerait ainsi ce qui va suivre en introduisant et en marquant le processus temporel précédemment évoqué. Autrement dit, en reprenant André Michels, « c’est ce « non-savoir » de l’analysant quant à sa singularité, quant aux racines de sa subjectivité et aux énigmes de son désir que nous avons à rendre opérant dès le début, pour autant que nous arrivons à en trouver une voie d’approche, à faire tenir un cadre par rapport à la demande qui nous est adressée (...) Rendre opérant ce « non-savoir » veut dire contribuer à son émergence, encourager l’analysant à ne pas reculer devant ce qui lui apparaît d’abord comme un abîme10. ». Contribuer à l’émergence du non-savoir peut consister à renverser les certitudes du futur analysant, à lever les évidences, à dé-fétichiser un certains sens. Cette étape conditionne le devenir de l’analyse à chacun de ses tournants. Certaines analyses ne commencent jamais parce que le processus temporel ici évoqué n’a pas été suffisamment mis en place.
L’évocation de la règle fondamentale participe à ce mouvement. Elle peut être réaliser plusieurs fois, par exemple lors des entretiens préliminaires puis lors du passage au divan. Cette règle prescrit à l’analysant de dire ce qui passe par la tête, sans sélectionner, sans crainte de dire n’importe quoi. Il s’agit de dire même le banal ou l’indélicat ou le vulgaire, ou ce qui est hors sujet. L’analyste de son côté se soumet à la règle en écoutant avec une égale attention, et dira quelque chose de temps en temps. L’énonciation de cette règle noue le désir de l’analyste au travail de la libre association de l’analysant. Cela impulsera le maintient de l’écart entre le contenu manifeste et le contenu latent du discours. Avec elle, un message implicite se transmet vers l’analysant, ça serait lui dire : « Tu sais, sans le savoir, que le savoir non su que nous recherchons est déposé en toi11». La règle fondamentale nous permet de soutenir ce rapport au non-savoir, à ce qui est radicalement non su. Une fois établie, elle détermine le cours des événements.
Le but est de produire de l’Einfall, c’est-à-dire de la surprise dans ce qui vient à l’esprit. L’Einfall permettant alors de reconstituer ce qu’il ne fait qu’évoquer. Il détermine, tout en rappelant ce qui est connu, un écart décisif et donc de la nouveauté qui pour être effective, doit être reconnue. André Michels qualifié l’Einfall de « pivot de la singularisation12 ». Cela émerge par à-coups, au fur et à mesure des séances, tels des moments d’ouverture vers l’inconscient. L’analyste doit en prendre acte afin de maintenir le processus. Et alors, comme dit Lacan, « il n’y a pas d’avant », c’est-à-dire que la prise en acte de ce phénomène va constituer une rupture qui apparaîtra dans le plan symbolique .
Patrick Landmann13 évoque le concept de « moments de passe ». C’est-à-dire, à chaque fois des moments de mise en acte dans le transfert de la brèche qui s’est ouverte au début, celle qu’il appelle l’initium de l’analyse. Cet initium se prolongeant ainsi jusqu’à une certaine fin qu’est sensée représenter la procédure de la « passe14». Avec ce concept de « moment de passe », il se dégage un lien entre le début et la fin de l’analyse. Du début à la fin, l’analysant se sera engagé dans le cadre d’une certaine relation qui s’appuiera sur une parole, se déroulant à partir d’un non-savoir et étant soutenue par le désir de l’analyste. Du début à la fin, cette relation fondera une « expérience de temporalité historisante ». C’est en ces termes que Lacan qualifie le transfert, où l’analyste est placé en tant que sujet-supposé-savoir. En cours de route, émergera du sujet dans toute sa singularité désirante.
Il n’y a pas de recettes figée, la cure étant toujours une pratique du singulier, à réinventer à chaque fois sur mesure. Mais idéalement, le passage sur le divan est lié à une des ces premières césures logiques des préliminaires. Jean-Marie Jadin15 signale que ce passage devrait ponctuer de façon « kaïronique » l’interlocution avec le futur analysant. Cette référence au Kaïros, temps de l’occasion opportune, indique qu’il s’agit de poser ce passage de la juste manière au juste moment. Une « justesse signifiante doit être accompagnée d’une justesse temporelle16 ». Jean-Marie Jadin indique que « cela se prépare, [qu'il est] important pour cela que l’analyste ait d’abord fait part à son futur analysant qu’il se pourrait que l’on passe un jour à l’analyse. [Cela permettrait de] déchirer la perfection du premier temps [en ouvrant sur un inconnu futur par exemple. Il serait bon ensuite que] l’analyste puisse dire, à ce moment-là ou plus tard, ce qu’est pour lui la psychanalyse, et aussi pourquoi elle serait préférable au face à face17». L’occasion opportune du passage sur le divan peut se faire par exemple lors d’un moment de renversement dialectique18, comme quand le futur analysant se met à se demander quel est sa part dans ce dont il se plaint, c'est à dire quand le sujet prend à son compte, en partie au moins, ce qu’il attribuait au destin ou à ses parents dans la genèse de ses problèmes19.
C’est souvent l’introduction d’un « moi » qui est prise comme signal pour une transition. C’est bien sûr à l’analyste d’essayer de susciter l’émergence d’une telle bascule, par exemple en invitant le futur analysant à se prendre lui-même comme son propre objet d’étude. L’analyste peut ici se placer en position de semblable par rapport à son futur analysant, un peu comme s’il lui susurrait : « De vous à moi je vous propose de faire ainsi, tout comme je l’ai fait20. » ». Si le pas se franchi, le passage à l’analyse est possible. Une deuxième scansion va survenir au moment de l’énoncé par l’analyste de la règle fondamentale. Ce n’est alors plus le moi de l’analysant qui est en cause, mais la parole de l’analysant. On lui demande de se soumettre aux dés des idées lancées par la parole librement associée.
L’analyse sera alors engagée. L’analysant produira des récits, une historisation symbolique constituée de mythes personnels, élaborée à partir d’une parole, qui prend pour objet son rapport à certains événements ou protagonistes anciens ou actuels, présents ou absents, donnant des explications, par exemple à partir d’événements inauguraux. Les récits avancés produiront fréquemment des confusions, tant en ce qui concerne les acteurs que le temps et les enjeux de ce qui sera rapporté. Mais chaque séance, en apportant des connexions nouvelles entre des éléments, des césures nouvelles entre d’autres, établira un déplacement du sens du récit. D’une séance à l’autre, les variations qui s’opèreront viendront marquer des différences, et aussi des similitudes, qui feront qu’au-delà du temps, des personnages en cause et des enjeux conjoncturels des différents drames, se dégagera un scénario dont les éléments se répèteront quelles que soient les circonstances. Le repérer opèrera un tri entre les mille petits drames conjoncturels et le drame central où se joue la question du sujet. Les mythes vont, au fur et à mesure que s’en construiront des nouveaux, perdre de leur consistance. L’événement dont le souvenir est gravé dans le marbre s’avèrera inexact, et même recomposé de plusieurs souvenirs d’époques différentes dont l’importance se trouvera par exemple proportionnelle au silence qui a précédé leur livraison. Bien plus, quand un ensemble de souvenirs viendra offrir un événement traumatique premier comme cause des désordres qui le suivent chronologiquement, ce bel ordonnancement se trouvera bousculé, ça sera le traumatisme ultérieur qui aura fait attribuer après-coup sa pathogénie à l’événement premier. L’existence même de celui-ci pourra n’avoir pour seul fondement que sa valeur d’explication, il n’aura en fait jamais eu lieu. Bref, à force de répétitions, le scénario s’écrira alors sur une surface de plus en plus restreinte, avec un nombre réduit de signifiants, de sorte que « la position du sujet sera plus aisée à repérer à l’intérieur ». Autrement-dit, un serrage temporel s’opèrera dans la cure, permettant de réduire la durée qui sépare la répétition de la reconnaissance du désir qui était pris dedans.
Tout le processus peut être penser en terme de succession de temps logiques21. Une successions d’après-coups en cascades, de rétroactions enchâssées, de futurs antérieurs démultipliés, d’un développement-gigogne de différents temps logiques que Lacan a théorisé par trois moments, dont chacun n’advient que par les deux autres : l’instant de voir, le temps pour comprendre et le moment de conclure. Ce dernier moment pouvant redevenir, par une reconsidération neuve ultérieure, un nouvel instant de voir. Autrement dit, le temps logique est constamment réitéré. Il instaure en trois mouvements, le temps de l’advenue du sujet. Il implique des scansions, des suspensions de temps, des non-temps qui correspondent à ces scansions22i.
Pour comprendre ce temps logique, il faut reprendre le texte de Lacan intitulé « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée23». Lacan part d’une énigme où ce qui est en jeu est un accès vers la liberté, pourrait-on dire désirante, ceci à partir d’un problème de logique. Voici le problème à résoudre : un directeur de prison fait comparaître trois prisonniers. Il leur dit : « Je dois libérer l’un de vous trois. Pour déterminer lequel, je vous propose une épreuve. J’ai ici cinq disques : trois blancs et deux noirs. Je vais coller un des disques à chacun de vous dans le dos. Il n’y a pas de miroir dans la pièce et vous ne pouvez pas communiquer, mais vous pouvez voir la couleur des disques qui sont dans le dos des deux autres. Le premier qui aura trouvé par un raisonnement logique la couleur du disque qu’il porte pourra sortir et sera libre ». On entend que cette énigme résonne comme une métaphore. Pour accéder à leur désir, les prisonniers doivent saisir ce qui est caché en eux, puis se décider à parler. Le disque pourrait ainsi représenter l’inconscient, un inconscient non visible, non communicable, sans reflet possible dans un miroir. Pour révéler l’inconscient, chaque prisonnier doit mettre en œuvre une réflexion logique à partir des autres.
Pour mieux saisir le déroulement logique de l’énigme, on peut suivre la simplification qu’en fait Sylvie Lausberg24, en ne prenant seulement que deux prisonniers et trois disques dont deux blancs et un noir. Donc, deux prisonniers qui porteront chacun un disque choisi par le directeur parmi deux disques blancs et un noir. Le raisonnement logique commence dans un premier temps par voir le disque de l’autre, ensuite comprendre comment logiquement trouver la solution, et enfin conclure, avant d’accéder à ce qui est désiré c’est-à-dire la libération.
Ce qu’il se passe, c’est que chacun des détenus voit dans le dos de l’autre un disque blanc. Le directeur a distribué les disques comme cela ! Dommage, car si l’un des deux avait vu un noir, il aurait tout de suite su qu’il porte un blanc ( puisque dans cette simplification, il n’y a que deux blanc et un seul noir au total). Alors le détenu doute, ne peut rien décider de manière synchronique dans cet instant de voir. « Ais-je un disque blanc ou noir ? »
Pour tenter de comprendre, il doit formuler une hypothèse à partir de l’attitude de l’autre, hypothèse qu'il vérifiera au cours de la diachronie du temps pour comprendre. Comme l’autre ne se décide pas à sortir, c’est donc que cet autre voit également un disque blanc. Entre ce moment où le prisonnier croit avoir trouvé la solution logique et le moment où il l’affirme, il y a un temps d’hésitation, car s’il se trompe, il ne sera pas libéré. Ce doute lui permet de comprendre.
Et enfin, vient le temps de conclure : « l’autre ne voit pas un disque noir, c’est donc que le disque que je porte est blanc, je me hâte pour le dire au directeur avant que l'autre me passe devant ».
C’est grâce à l’étendue du temps entre questionnement, doute et conclusion que le sujet peut décider. Mais il ne peut le faire qu’en se référant à l’autre. Quand il énonce la réponse qui peut le libérer, il s’engage, il agit. Ce discours est donc un acte ! Dans la cure, il ne s’agit pas de comprendre intellectuellement la couleur du disque, ici métaphore de l’inconscient. Entre le moment où le sujet pense subjectivement « je suis blanc » - et le moment où il est libéré, il a objectivé son affirmation : « je suis véritablement blanc ». On peut dire que c’est en objectivant son affirmation première qu’il se libère. Ce temps de l’inconscient comprend aussi des moments suspendus : avec la vision du disque blanc de l’autre, la réponse n’étant pas immédiate, alors qu’elle l’aurait été si le disque avait été un noir, il y a un temps pour comprendre la logique qu’il faut mettre en œuvre. Et à partir du moment où la vérité portée par le sujet apparaît, il faut encore un temps avant d’agir et de l’affirmer. La longueur de ces temps n’est pas prévisible. Le temps d’une analyse ne dépend pas de l’analyste, mais bien du travail à l’œuvre entre les deux protagonistes de la cure. De même, comme dans l’histoire des prisonniers, les hypothèses formulées ne sont pas toutes des vérités en soi ; certaines sont fausses, mais permettent une avancée. Dans la cure non plus, il ne s’agit pas de dire ce qui est vrai. Le travail de l’association libre, c’est dire tout ce qui passe par la tête. Ces représentations, ces idées, ces hypothèses qui surgissent participent toutes au mouvement vers la sortie25.
1Intervention réalisée dans le cadre de la formation APERTURA du 06 octobre 2017 sur le thème « les temps de la rencontre », à Strasbourg.
2N. Janel, « Une fois perdu(e), quelle direction ? … La trace du désir de l'analyste ? », accessible par internet :
http://nicolasjanel.over-blog.com
3J.- R. Freymann, « La naissance du désir », Strasbourg, Arcanes érès, 2005, p. 11.
4Ibid.
5Ibid.
6J.-R. Freymann, « Les différents temps de la cure analytique », Exposé présenté le 27 janvier 2017 à Strasbourg dans le cadre d’une journée de formation sur « Les temps de l’inconscient ».
7S. Calmettes-Jean, Temporalité, narrativité et division subjective, accessible par internet : http://www.ecolpsy-co.com/Htmpub/Conferences0902%20Calmette-Jean_P.html
8P. Landman, « Les entretiens préliminaires. L'occasion d'un franchissement », dans : Les entretiens préliminaires à une psychanalyse, sous la direction de J.- R. Freymann, Hypothèses, 2016.
9J. Lacan, La direction de la cure et les principes de son pouvoir, dans : Écrits, Paris, Le Seuil, 1966.
10A. Michels, « En chemin vers la parole », dans : Les entretiens préliminaires à une psychanalyse, sous la direction de J.- R. Freymann, Hypothèses, 2016.
11Ibid.
12Ibid.
13P. Landman, « Les entretiens préliminaires. L'occasion d'un franchissement », dans : Les entretiens préliminaires à une psychanalyse, sous la direction de J.- R. Freymann, Hypothèses, 2016.
14 Procédure corrélée à la terminaison de la cure et mise en place par Jacques Lacan, par laquelle, dans le cadre de sa formation, l’analysant passe à l’analyste. Cette procédure n'est en fait pas obligatoirement liée à la terminaison proprement dite de la cure.
15J.-M. Jadin, « Une logique des entretiens préliminaires », dans : Les entretiens préliminaires à une psychanalyse, sous la direction de J.- R. Freymann, Hypothèses, 2016.
16Ibid.
17Ibid.
18La dialectique, est une condition du retour de l’inconscient refoulé, ce n’est pas un travail intellectuel ou une argumentation logique, mais une réfutation au moyen d’une idée opposée, qui est présente mais inconsciente (J.-M. Jadin, Ibid).
19Jean-Marie Jadin indique d’autres bascules possibles pour introduire le divan, par exemple « lorsque le sujet passe d’une description factuelle à un jugement, sur lui-même ou sur quelqu’un d’autre, sur l’analyste, ou encore lorsque le patient qui a décrit un père atroce et traumatisant auquel il attribuait la cause de ses symptômes, avoue que ce père était en même temps un père qu’il aimait et admirait. Il peut s’agir du moment où une longue description de ce qui lui est arrivé fait soudainement place à l’énoncé d’un souhait ».
20Ibid.
21J.-M. Jadin, « L'inconscient, un Eternel dans un Temporel », Exposé présenté à Strasbourg le 27 janvier 2017, dans le cadre d’une journée de la FEDEPSY sur « Les temps de l’inconscient » .
22Et Jean-Marie Jadin nous dit qu’il est aussi un temps fractal où l’ensemble est de même structure que la partie et redevient partie d’un « surensemble » identique plus vaste.
23J. Lacan, « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée », dans Écrits, op. cit., pp. 197-213.
24Lausberg Sylvie : « Le temps de l’inconscient », accessible par internet :
http://sylvielausberg.com/psychanalyse/articles/temps-de-linconscient
25Dans le texte de Lacan, chacun des trois prisonniers doit trouver ce que pense chacun des deux autres de son semblable devinant ce que pense le troisième. C’est encore plus complexe. Le raisonnement inclut deux « scansions suspensives », l’hésitation de celui qui est le troisième et l’hésitation de ceux qui sont les deux autres pour chacun des trois. Je passe vite sur ce casse tête de la pensée qui ne peut être saisi en un instant. C’est même ce qu’il illustre. Il est surtout utile pour appréhender ce qu’il se passe dans des moments de cure.
iJean-Marie Jadin retrouve également les trois phases du temps logique déployées le long de la vie de Freud, et plus précisément dans l’évolution de sa conception du travail de l’analyste. Dans son premier séminaire sur Les écrits techniques de Freud, Lacan y a distingué trois périodes : la « période germinale », qui va en gros jusqu’en 1910, la « période intermédiaire» qui se termine vers 1920, et enfin la « période métapsychologique » ou « structurale ». À chacune correspond une autre conception thérapeutique. On peut les inscrire dans les trois temps du temps logique. Au départ, dans la phase « germinale », l’analyse consistait à deviner l’inconscient qui demeurait caché à l’analysant et à le lui communiquer. L’analyste devait donc posséder un talent de divination. Tout comme lors de l’instant de voir, il concluait immédiatement à partir de son seul savoir. Il déchiffrait les formations de l’inconscient du sujet en écoutant sa parole comme un texte sacré. Beaucoup d’analysants viennent encore nous trouver en ayant cette conception-là. L’analyste était à cette époque le sujet au savoir immédiat, tout comme celui qui voit un disque noir dans notre exemple. Les conseils donnés par Freud au cours de la période intermédiaire, celle de ses écrits techniques, peuvent être considérés comme l’introduction d’une certaine faille, d’une retenue dans l’interprétation par divination. Cela se présente comme comme une première scansion suspensive dans l’action analytique. Il y avait désormais du non-savoir qui s’y était introduit. Dans divers textes, on trouvera l’affirmation par Freud de la nécessité d’une réserve, que la seule connaissance ne suffit pas, que le savoir théorique est subordonné à la méthodologie , le conseil de ne pas révéler d’emblée à l’analysant ce qu’il a refoulé . Révéler du refoulé ne serait qu’un des préliminaires indispensable au traitement . Le savoir n’est donc qu’un premier temps. Il évoque aussi d’autres limitations : se contenter des données d’une seule séance pour interpréter un rêve et ne pas reprendre le fil la fois suivante . Il déconseille l’emploi de « la » symbolique , qui permet également une interprétation immédiate figeante. Tous ces conseils introduisent une « scansion suspensive » dans le savoir, c’est-à-dire une ignorance. Il s’agit d’introduire du non-savoir dans le savoir. C’est l’inconscient lui-même qui correspond d’abord pour Freud à ce non savoir dans l’élaboration de sa théorie. C’est la première faille introduite dans le premier temps. Cette période des écrits techniques inaugure un temps de réciprocité où il s’agit pour Freud de demander à l’analysant de confirmer les vues de l’analyste. Il a ainsi sollicité l’Homme aux loups afin qu’il confirme la réalité de la scène primitive déduite d’un rêve. Ce fut un échec. Ce qui a mis fin à cette seconde phase fut l’introduction, dans la technique de la « contrainte de répétition » qu’il avait découverte. La faille placée dans la réciprocité imaginaire a ainsi fait place à une période « symbolique » où l’analyse consistait à passer par la répétition vécue dans le transfert. Jean-Marie Jadin cite le chapitre III de l’Au-delà du principe de plaisir : l’analysant « est bien plutôt obligé de répéter le refoulé comme expérience vécue dans le présent au lieu de se le remémorer comme un fragment du passé. ». Et à force de répétitions, la position du sujet désirant peut petit à petit se dégager au fur et à mesure des séances. Un tel devenir-sujet en trois étapes, une telle subjectivation est conforme au temps logique de Lacan. Autrement dit, Freud aurait répété au cours de sa vie le mouvement de toute analyse où le temps logique ne fait que résumé l’œuvre de devenir sujet.
(cf. J.-M. Jadin, « Une logique des entretiens préliminaires », op. Cit. ; et « L'inconscient, un Eternel dans un Temporel », op. cit.)